Utilisation et production de phages
De Cindy, jeudi 21 février 2013 06:22
Bonjour,
Je suis en train de préparer un TP de recherche et de dénombrement de phages T2 d’E. coli en terminale STL.
Ce sera une première pour l’équipe, alors viens vers vous pour quelques renseignements :
- Le milieu de culture utilisé est le milieu LB (liquide, semi-solide ou solide). Cependant, il en existe deux selon la concentration de NaCl (5 ou 10 g/L). Pourriez-vous m’indiquer lequel utiliser ?
- Comme indiqué dans des messages précédents, le couple T2/E. coli sensible peut être commandé à l’Institut Pasteur. Or nous n’avons pas trouvé ces références sur le site. Comment vous-y êtes vous pris pour la commande ?
- Sous quelle forme les phages sont-ils livrés ? Comment les conserver jusqu’à la date du TP ? Pour l’année suivante ?
Merci beaucoup pour vos réponses.
Réponse de Fabien
Nous faisons faire tous les ans une production de phages à nos étudiants en BTS Biotech, phages que nous utilisons ensuite pour réaliser une transduction.
Evidemment, nous les faisons titrer, et nous remarquons effectivement une perte d'environ 1 log en 1 an (conservation en chambre froide, solution filtrée de phages). Mais comme on les réutilise pour les reproduire chaque année, on reconstitue notre stock (sauf gros problème).
Pour ce qui est du dénombrement:
1) Pour la technique en double couche d'agar (avec de l'agar "mou" en surface), nous utilisons de l'agar à 8g/L (appelé RPTop8) dans lequel nous incorporons les bactéries sensibles, et que nous coulons sur une gélose solide (RP1, voir compo ci-après). Puis on dépose des spots (10µL) des dilutions phagiques. On comptera alors les plages de lyse (UFP) dans les spots. On peut compter facilement jusqu'à 30 voir 50 UFP par spots. L'avantage c'est qu'on peut déposer jusqu'à 8 spots par boîte, donc tester 8 dilutions: bien utile quand on a a priori pas d'idée du titre.
NB: l'agar mou à 4g/L est plutôt utiliser pour produire des phages: dans ce cas, justement tu veux des plages confluentes, signe qu'il y a eu forte multiplication --> tu récupères alors (pas évident) la double couche molle, tu centrifuges et filtres en 0,22µ, et hop, solution phagique!
2) Si cette technique (en double couche) ne marche pas, tu peux aussi dénombrer par une technique toute bête d'étalement des bactéries sensibles sur une gélose RP1, laisse sécher, puis déposer tes dilutions de phages. Voici le protocole:
- Réaliser une nappe de souche sensible par inondation directe de 2 géloses RP1 par la culture calibrée à 108/mL en solution de MgSO2 10 mmol/L + CaCl2 10 mmol/L (appelée par la suite "solution Ca-Mg") ;
- Réaspirer l’excès et laisser sécher les boîtes 10 minutes sous PSM ou près du bec : la surface ne doit plus être brillante mais mate pour procéder aux dépôts ;
- Diluer en solution Ca-Mg (sous 200 ou 500 µL) le lysat phagique à titrer jusqu’à 10–8 (par exemple) ;
- Déposer 10 µL des dilutions sur une boîte. On peut doubler les essais (2 boîtes) ;
- Retourner les boîtes quand les gouttes sont bien absorbées ;
- Incuber 24 h à 37°C.
- Après incubation, compter les plages de lyse (UFP) sur les dilutions dénombrables.
Réaliser également les témoins nécessaires.
Compositions :
- RP1 (milieu gélosé): il est important d'avoir du CaCl2, car l'adsorption phagique est cation dépendante (et notamment Ca2+ dépendante)
Agar : 12g
CaCl2 1 mol/L :2 mL (--> 2 mmol/L final; à éventuellement ajouter après autoclavage du reste, à partir d'une solution filtrée)
Glucose 20 % : 5 mL (--> 0,1 % final = 1 g/L final)
Base "LB" :qsp 1L
- RPTop8 (surcouche d'agar "mou"):
Agar : 8g
CaCl2 1 mol/L : 2 mL (--> 2 mmol/L final; à éventuellement ajouter après autoclavage du reste, à partir d'une solution filtrée)
Glucose 20 % :5 mL (--> 0,1 % final = 1 g/L final)
Base "LB" : qsp 1L
Bonne soirée
Fabien
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Complément
PS : En PJ un protocole de production de lysats phagiques. Enfin, même 2 protocoles:
- un en milieu liquide: efficace pour récupérer un volume assez grand, mais généralement peu concentré (le titrage le confirmera);
- un en milieu solide: efficace pour récupérer un lysat bien concentré, mais par contre sur un faible volume.
Voir documents en téléchargement en bas de page, disponible APRES connexion.
De Françoise
Bonsoir,
La méthode de multiplication et de conservation des phages que j'utilise va surement sembler très simpliste aux puristes mais quand j'ai commencé à vouloir cultiver des phages je n'y connaissais pas grand chose et je ne disposais que d'un protocole de dénombrement par la méthode des spots et des plages de lyse et du couple E. coli /phage T2 que je venais de commander auprès de l'institut pasteur.
Suite à la lecture de quelques articles sur internet qui parlait de la possible conservation au froid des phages (essentiellement à-80 ° C), je me suis inspirée de celle des bactéries à -20 ° C en présence d'un cryoprotecteur.
J'ensemence donc dans un premier temps un bouillon nutritif (volume de 5 mL ) avec une colonie isolée d'E. coli que j'incube pendant 2-3 heures à 37°C pour obtenir une culture jeune.
Je rajoute 0,5 mL d'une suspension de phage. Au départ j'ai utilisé la suspension de phage de l'institut pasteur que j'avais conservé pendant 48 heures à -20 ° C dans la carboglace du colis de livraison, le temps de remettre en route la souche d'E. coli, livrée en même temps. En effet, le DMSO, le cryoprotecteur utilisé par l'institut pasteur, est toxique à température ambiante.
J'incube ensuite le mélange à 37°C pendant 1 nuit pour permettre la multiplication du phage ( le mélange doit montrer un éclaircissement très net en comparaison d'un bouillon nutritif ensemencé en même temps dans les mêmes conditions avec 1 colonie d'E coli) avant de le fitrer sur un filtre de porosité 0,22 µm (dispositif seringue stérile + filtre adaptable)
Je rajoute du glycérol (stérilisé par autoclavage) comme cryoprotecteur à une concentration finale de 30 % avant de répartir l'ensemble dans des cryotubes qui seront conservés à -20 ° C.
Lorsque je décongèle un cryotube c'est l'ensemble de son contenu que je transvase dans 5 mL de bouillon nutritif préalablement ensemencé avec une colonie d'E coli et incubé 2-3 heures à 37 ° C avant d'incuber l'ensemble une nuit à 37°C.
Le titre de la supension de phages que j'obtiens est entre 10+7 et 10+8 donc pas très élevé mais il m'a permis de réaliser sans problème une activité sur le dénombrement des phages en terminale.
Je conserve également les phages à 4 ° C mais pas plus lontemps que 6 mois. Comme je prépare de nouveaux cryotubes tous les ans, je n'ai pas testé la conservation des phages à -20 ° C au dela d'une année.
Grâce aux messages de la liste UPBM, je vais pouvoir optimiser cette méthode en rajoutant aux milieux de culture les ions qui favorisent l'adsorption des phages et la lyse des bactéries donc un grand merci à tous.
Françoise
Ajout de Karine
Bonsoir,
Suite aux différents échanges sur la liste au sujet des phages, et la contribution de fabien dont je me suis inspirée, voici les derniers résultats que j'ai obtenus et qui sont ma fois très prometteurs et qui je l'espère rendront services à certains d'entre vous. J'ai réalisé de multiples essais et finalement adopté les méthodes suivantes pour le couple E. coli/ Phage T2 commercialisé par l'institut Pasteur dont j'ai donné les références dans un mail précédent :
1. Les essais de multiplication en milieu liquide ne se sont pas révélés très satisfaisants pour cause à priori d'apparition d'une population de bactéries résistantes au phages, donnant un trouble presque identique à celui d'un témoin sans phage après une incubation de 24h à 37°C en bouillon TCS
2. Les essais de multiplication sur pente TCS inondée par 0,6mL d'un mélange phage/bactéries (voir protocole ci-après) satisfaisants puis titre estimé de l'ordre de 5 109 UFP/mL !!!!
3. MgSO4 10mM final efficace (solution mère de départ à 1M, stérilisée par autoclavage à 121°C, 15 min)
4. Solution de dilution des phages : tampon PBS stérile (autoclavage à 121°C, 15 min) additionnée de 10mM MgSO4 final
5. Récupération des phages : centrifugation pdt 20 minutes à 4500rpm à 10°C (tubes Falcon de 15mL) ; récupération des surnageants puis filtration à 0,45µm.
6. Dénombrements : méthode des spots, double couche avec spots, et double couche classique très satisfaisant. Les résultats obtenus pour la méthode de la double couche avec spots sont de 55UFP pour la dilution 10-6 avec un dépôt de 10µL, donc une concentration de 5,5 109 UFP/mL.
7. Pour la double couche classique, dans des tubes de 4,5mL de gélose TCS « Top 8 » (bouillon TCS +8g/L d'agar de type A+ 1%Gluc+10mM MgSO4 additionnés au moment de l'emploi) en surfusion à 55°C, ajout de 100µL d'E. coli B (culture de moins de 24h en TCS) et de 100µL de phage dilué en PBS+MgSO4. Vortexer et couler immédiatement en surface d'une gélose TCS (20mL/boîte) additionnée de 1%gluc final et 10mM MgSO4 final. Pour la dilution 10-7 : 41 et 58 UFP en 24h à 37°C, soit une concentration de 5 109 UFP.
Voilà, voilà.... Bonne lecture
Multiplication d'un bactériophage.
1) Matériel
Par groupe :
- 2 tubes de 10mL de bouillon TCS
- 1 tube de MgSO4 à 1mol/L pour le groupe
- 1 tube contenant la bactérie sensible au phage : Escherichia coli B noté Ec B
- 1 tube de suspension phagique notée jT2
- 13 tubes d'agar TCS en pente
- 7 tubes de 10mL de tampon PBS stérile
- 1 filtre toupie porosité 0,45µm, seringue de 25mL
- Tubes Falcon stériles
- PSM, Centrifugeuse Sorvall....
2) Mode opératoire
Réaliser un témoin de croissance (TC) de la bactérie Ec B :
- Dans 1 tube de bouillon TCS, ajouter la quantité voulue de MgSO4 à 1mol/L, pour obtenir une concentration finale de 10mM.
- Puis ajouter 0,5mL d'Ec B.
- Inonder 1 pente de gélose TCS avec 0,6mL de cette solution.
- Réaliser les tubes de multiplication du bactériophage (XjT2) :
- Dans 1 tube de bouillon TCS, ajouter la quantité voulue de MgSO4 à 1mol/L, pour obtenir une concentration finale de 10mM. Puis ajouter 0,5mL d'Ec B et 0,5mL de suspension phagique jT2.
- Vortexer.
- Inonder 12 pentes de gélose TCS avec chacune 0,6mL de cette solution.
- Incuber 24h à 37°C, en position demi-couchée pour que les pentes soient inondées, et sans bouger !!!
Au bout de 24h, inonder les pentes XjT2 avec 5mL de PBS, vortexer et récupérer le surnageant en tubes Falcon.
Centrifuger 20 minutes à 4500rpm à 10°C (centrifugeuse Sorvall du Sous-sol), récupérer délicatement le surnageant sous PSM et pooler les différents tubes en un gros Falcon. Filtrer à l'aide d'une seringue et d'un filtre toupie stérile de porosité 0,45µm sous PSM (dans un nouveau Falcon). Annotez et conserver pour titrage de la suspension phagique au cours du TP suivant.
Partie 3 : Titrage de la solution de bactériophages.
1) Matériel
- Un échantillon de 0,5mL de la solution de bactériophages noté « jT2» préparé à l'AT8.
- 1 tube d'≈2mL d'Escherichia coli B noté « Ec B »
- 1 tube de 9mL de bouillon TCS (BTCS)
- 1 tube de 10mL de MgSO4 1M
- Tube de glucose à 30% utilisé dans la partie 1
- 10 tubes en verre stériles
- 1 flacon de 50mL de GTS-Top8 (bouillon GTS + Glucose 1% final + MgSO4 10mM + agar 8g/L) en surfusion
- 1 flacon de 400mL de GTS en surfusion (par binôme), Glucose à 30%.
- 1 flacon de PBS stérile de 30mL
- Micropipettes et cônes stériles
- 4 écouvillons stériles
2) Mode opératoire méthode de la double couche avec spots.
- Par binôme :
- Faire fondre les 400mL de GTS, ajouter du glucose à 1%final et du MgSO4 10mM final.
- Couler en 20 boîtes de Petri.
- Faire fondre le GTS-Top8, ajouter le MgSO4 pour 10mM final et le glucose pour 1% final.
- Répartir en 4 tubes stériles à raison de 4mL/tube et conserver au bain marie à 55°C ;.
- Préparer la solution de dilution du bactériophage en ajoutant au flacon de 30mL de PBS : 0,3mL de MgSO4 1M
- Répartir en 10 tubes en verre à hémolyse stériles à raison de 400µL/tube numérotés de 1 à 10.
- Homogénéiser votre échantillon « jT2» et réaliser des dilutions en cascade de raison 10 dans les tubes n° 1 à 10.
- Ajouter dans les 4 tubes de GTS-Top8 en surfusion, 0,1mL de la bactérie E. coli B, vortexer et couler immédiatement sur les géloses GTS préparées précédemment.
- Laisser solidifier couvercle fermé. Par boîte, déposer 10µL de chaque dilution de phage (8 spots maxi/ boîte). Doubler les essais. Laisser les gouttes s'absorber sans bouger puis incuber à 37°C.
- Dénombrer les UFP et déterminer la concentration du lysat phagique « jT2».
3) Mode opératoire méthode des spots.
- Diluer de manière décimale jusqu'à 10-10, en PBS + MgSO4 10mM, la suspension « jT2» sous un volume final de 200µL. Prévoir un tableau de mode opératoire en travail préparatoire.
- Réaliser une dilution au 1/10 en BTCS de Ec B.
- À l'aide de cette dilution et de 4 écouvillons, ensemencer la surface de 4 géloses GTS préparées précédemment (méthode antibiogramme).
- Déposer 10µL des dilutions 10-2 à 10-10 ; Doubler les essais. (8spots/max par boîte)
- Laisser les gouttes s'absorber, puis retourner et incuber 24h à 37°C.
- Après incubation, compter les UFP et déterminer le titre approximatif de « jT2».
Documents de complément : instructions de travail partagées par Fabien (disponible après connexion, en cliquant ici)