Enzymologie et unités (fin 2010)
Marianne GENTHON
Bonsoir
Il me semble qu'il y a deux façons complémentaires de répondre (partiellement!) à tes questionnements sur la non saturation en S dans les dosages d'enzymes:
de façon très pragmatique cela est souvent impossible pour cause de limite de solubilité, dépassement de zone de linéarité (on peut facilement calculer la concentration max en NADH pour ne pas dépasser 1 d'absorbance par exemple, on trouvera 0,16 mmol.L-1 pas très élevé n'est-ce pas?) ou encore parce qu'on est en réaction couplée et que ce qui prime c'est le caractère non limitant des réactions de couplages. Parfois c'est possible mais non désiré pour raison financière , le substrat coûtant cher
* de façon plus théorique, et je pense que c'est ce qui t'intéresse ici, l'équation de Michaelis-Menten montre que si S est fixe alors Vi est fonction affine de E, (le facteur de proportionnalité est k2*S/(Km+S) tu es d'accord?). On peut donc tracer une gamme d'étalonnage vi=f(E) avec des préparations enzymatiques pures du commerce et doser ensuite. C'est ce qui se passe en médical ou en alimentaire.
Même avec mes histoires de clandestins-avec les limites de ce type de comparaison- ça marche: s'il y a deux fois plus de clandestins j'observerai deux fois plus de robes par jour sortir de l'immeuble y compris s'ils ne sont pas obligés de travailler à flux tendu et que statistiquement ils ont le droit d'en griller une entre deux robes
Cela dit il faut convenir que travailler en conditions saturantes permet d'avoir un signal plus fort, de minimiser l'influence des erreurs de pipettage de S sur la mesure de V....et de simplifier la relation avec une vitesse particulière qui devient Vm et un facteur de proportionnalité qu'on peut simplifier sous la forme k2 (Km négligeable devant S)
En espérant avoir été compréhensible! Amicalement
Élisabeth MATHIEU
Bonjour Marianne, bonjour à tous,
Merci de ces échanges passionnants !
1er point : Oui, je suis tout à fait d'accord que les limites de solubilité ou de coût des substrats sont un problème, et c'est pour cette raison d'ailleurs que l'on admet à partir de 10 KM(Epour S) bien que seulement 90% d'enzyme soit en action.
2ème point : mais comme tu le dis, c'est surtout l'aspect théorique qui me travaille et les conditions où on ne peut pas avoir saturation de l'enzyme, (car c'est bien plus satisfaisant, effectivement, de pouvoir se ramener à vimax = k2 E total ds MR ! )
- Pour établir la relation de Michaëlis, il faut partir de l'état stationnaire pour pouvoir écrire que pendant cette période, la vitesse d'apparition du complexe ES est égale à sa vitesse de disparition. Donc la relation de Michaëlis ainsi établie n'est valable que pour des vi obtenues en période initiale stationnaire.
- La période initiale stationnaire n'implique pas du tout que le substrat soit saturant, bien sûr, mais il faut que la concentration initiale en substrat soit suffisamment grande par rapport à celle de l'enzyme pour que le pseudo-équilibre 1 (E + S --- ES) ne soit quasiment pas influencé par la baisse de concentration en substrat due à la réaction qui commence à se dérouler. Quand la baisse de conc en S devient suffisamment grande pour influencer le pseudo-équilibre 1, alors, on n'est plus en période initiale stationnaire.
- Donc, la relation de Michaëlis, comme tu le dis, montre bien que vi est proportionnelle à conc en E (oui, vi = ( k2*Si/(KM + Si) )*E ) mais seulement si on est bien dans des conditions permettant d'avoir une période initiale stationnaire.
- L'existence d'une période initiale stationnaire et sa durée dépendent de plusieurs facteurs :
° des proportions initiales respectives entre conc en S et en E dans le mélange réactionnel
° de la vitesse à laquelle la conc en S va baisser dans le MR, qui dépend elle même de la constante k2, cette dernière dépendant des conditions de milieu pH, T...
-En conséquence, pour revenir à notre problème, qui consiste à déterminer, relativement, des variations de teneur en enzyme dans les échantillons qui nous intéressent, si on veut avoir cette proportionnalité entre activité et quantité d'enzyme dans le MR, il faudra, bien sûr, des conditions de milieu conc en S, pH, T ... identiques (rien de nouveau) mais aussi au moins s'assurer d'avoir une période initiale stationnaire.
- Comme le plus souvent, les méthodes sont mises au point puis ensuite appliquées en routine en déterminant la vi par uniquement 2 mesures à 2 temps différents (méthode 2 points), la vérification de la période initiale stationnaire n'est plus faite.
- Si on obtient une vi plus grande que dans un cas précédent, pour la vi plus grande, cela signifie bien que l'on a une conc en E plus grande (puisque avec une même conc i en S, on forme plus de ES) mais je ne peux pas du tout assurer qu'il y a proportionnalité avec la conc en E obtenue pour la vi plus fable.
- Du coup, si je veux pouvoir faire des comparaisons, il faut que je dilue mon échantillon apportant l'enzyme, de façon à me ramener dans le MR à une vi à peu près équivalente à celle observée dans un autre MR. Dans ce cas, oui, je peux comparer (à mon avis toujours ! ) parce que les proportions d'enzyme mise en action sont les mêmes puisque j'ai un rapport initial entre conc en S et en E tout à fait équivalent. (d'où une même vi ... )
- Je me torture peut être l'esprit pour le cas des déterminations d'activités enzymatiques dans le domaine médical, car les variations observées ne sont peut être pas suffisamment grandes pour faire perdre la période initiale stationnaire. Mais pour revenir à mes échantillons de sol, le taux des enzymes peut être extrêmement variable selon les conditions climatiques, le traitement agricole, les pâtures ... etc. je me dis donc que dans des cas de ce type, il ne faut pas perdre de vue la théorie et bien faire attention à l'interprétation que l'on fait. Car si on ne fait pas attention à tout cela, on risque de mal conclure.
Au final, pour revenir à ton exemple, là, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi, je trouve qu'il ne s'applique plus, car tu auras le même nombre de robes par jour avec 100 personnes qui travaillent à 30% ou avec 50 personnes qui travaillent à 60%, et cela, tu ne le sauras pas car tu n'es pas avec eux !
Encore une fois, est-ce que tu, vous tous ... êtes d'accord avec mes raisonnements ?
3ème point : j'allais oublier ! Quid des enzymes à cinétique non Michaelienne ?? On fait toujours comme si toutes les enzymes étaient "Michaeliennes" !
A très bientôt pour la suite ! Et bon week-end à tous